Pouvoir et religion, des liens historiques traditionnels
Le plus important en quelques mots
Le pouvoir et la religion ont toujours été intimement liés : des guerres de croisade, au couronnement des empereurs par le pape lui-même, la religion et l'Etat ont fait course commune pendant la majeure partie de l'Histoire. Aujourd'hui, plusieurs modèles persistent, en mettant en avant une religion, et parfois en persécutant les autres. Dans les démocraties modernes, on parle de laïcité pour désigner la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Mais derrière ce terme se cache encore beaucoup d'interprétation.
Etats et religions aujourd'hui
Le combat pour la tolérance, un combat moderne
La liberté religieuse, c'est-à-dire le droit de pratiquer sa religion librement, n'est pas garantie partout. En Chine, en Inde ou en Arabie Saoudite, les minorités religieuses sont persécutées. Cela signifie simplement que ceux qui pratiquent une autre religion que la religion d'Etat ne sont pas acceptés.
L'Asie représente des espaces où la diversité religieuse est importante : dans un même pays, de nombreux cultes sont pratiqués. La cohabitation est parfois aussi difficile dans les pays où justement la diversité est faible, et donc où la minorité religieuse est aussi invisible qu'intolérée : au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 93% des gens pratiquent l'Islam, ce qui efface presque toute présence des autres cultes.
On appelle théocratie un modèle de gouvernance qui est encore basé sur la religion : c'est le cas en Iran ou en Arabie Saoudite où l'Islam est une vraie religion d'Etat, qui dicte la conduite à tenir. Attention : dans ces pays, l'interprétation et la vision de l'Islam peut être différente. Certaines populations dénoncent même une lecture absurde et trompée du texte religieux, qui conduit à des pratiques politiques inacceptables (codes de bonne conduite, persécution des femmes).
La laïcité : quelle laïcité ?
La France défend un modèle de laïcité qui prend sa source dans la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905. A partir de là, l'Eglise n'est plus censée intervenir dans les enjeux de pouvoir. Elle prend du recul dans l'éducation publique, c'est-à-dire qu'elle n'a plus sa place à l'école. Mais aujourd'hui, le débat se poursuit autour de la définition de la laïcité : la laïcité est-elle là pour gommer les religions, ou pour les accepter toutes ? Dans le cadre de l'école, les années 1990 ont été un vivier de débats sur le port de signes religieux. Dès 1989, l'affaire du foulard, où 3 jeunes femmes refusent d'enlever leur foulard islamique dans l'établissement scolaire et sont donc exclues du collège, a un fort retentissement et oblige à légiférer. Aujourd'hui, il n'est plus possible de porter de signe religieux dans les établissements publics.
Si l'on compare avec un autre pays européen comme l'Allemagne, la laïcité n'existe officiellement pas, mais le modèle accepte toutes les religions : le port d'un signe religieux n'est pas punissable à l'université par exemple. Enfin, le Royaume-Uni est un pays qui reconnaît une religion officielle, le protestantisme, religion de la famille royale, mais ne gomme aucunement la liberté religieuse pour pratiquer d'autres cultes.
La question de la laïcité est une question beaucoup plus large que la question religieuse, car les grandes lois sociétales (Mariage pour tous, avortement) trouvent toujours leur opposition dans des arguments religieux, qui reviennent alors au premier plan.
Jalon 1 : Le pape et l'empereur, deux figures de pouvoir : le couronnement de Charlemagne
Charlemagne et le retour d'un empire
En 476, l'empire romain d'Occident s'effondre. La religion catholique, devenue religion officielle de l'empire romain, accuse un recul et surtout une perte d'influence. En France, les rois se succèdent en tant que "rois des Francs". Lorsque Charlemagne arrive au pouvoir en 768 en tant que roi, il renoue un lien plus approfondi avec le pape, dont l'influence territoriale se limite au sud de l'Italie. Au fur et à mesure de ses conquêtes, Charlemagne parvient à reconstituer un empire : il annexe la Saxe et la Bavière (actuels territoires allemands) ou encore la Lombardie (Italie). Propriétaire d'un royaume immense, le roi Charlemagne se fait couronner empereur.
Un empire légitimé par le pouvoir religieux
Charlemagne va donc chercher à appuyer son pouvoir par le soutien du pape, représentant de l'Eglise catholique. Charlemagne se fait couronner à Rome par le pape Léon III, en 800. Il s'engage alors à renforcer la place de l'église dans son royaume, et à défendre les intérêts et la position du pape et de l'Eglise. Par ce couronnement, Charlemagne vient chercher un pouvoir presque divin qui lui est accordé par le pape. L'empereur s'installe à Aix-la-Chapelle, dans un palais construit comme un trait d'union entre les symboles de la royauté et les symboles religieux. Le trône est même installé au cœur de la chapelle.
L'empire de Charlemagne à son apogée, un pouvoir aux portes du pouvoir du pape
Jalon 2 : Pouvoir politique et magistère religieux, le calife et l'empereur byzantin au IXe-Xe siècle, approche comparée
Dans cette partie, tu vas voir comment deux systèmes politiques et religieux, basés sur une religion différente, trouvent néanmoins des points de similitude
Une construction territoriale mouvementée
L'Empire byzantin est un héritage de l'empire romain d'Orient. Il s'agit de donner suite à l'empire romain scindé en deux à la fin du IVe siècle. Le territoire s'étend à l'est de l'Europe et au Moyen-Orient. Ce sont également des territoires convoités par les populations musulmanes qui sont en pleine structuration : les Etats musulmans sont multiples, mais tentent d'unir leur forme dans une extension rapide de l'influence musulmane. Pendant la période qui s'étend jusqu'au Xe siècle, l'empire Byzantin perd du terrain au profit des territoires qui revendiquent l'Islam comme religion. Côté byzantin, le christianisme est mis à rude épreuve.
Une autorité religieuse forte
L'empereur byzantin tire son autorité directement du Christ : il se présente comme le messager de la chrétienté. On parle de théocratie, car toute la société est organisée selon l'interprétation des dogmes religieux : dans la religion orthodoxe, les patriarches, qui administrent les principales villes, se réunissent avec le clergé pour fixer les grandes lois et surtout imposer les limites de l'acceptable. Les conciles désignent donc comme hérétiques ceux qui ne respecteraient pas les règles. Dans les Etats voisins du Moyen-Orient dominés par l'Islam, c'est le calife qui est présenté comme le souverain spirituel, le guide, et l'héritier du prophète Mahomet. Mais cet héritage sépare les musulmans, qui se regroupent entre les sunnites et les chiites, chacun revendiquant une interprétation de la religion. Les différentes parties du territoire s'organisent alors en califat, chacune dirigée par un calife qui règne sur une hiérarchie tout droit descendue de l'Islam.
Des limites dans tous les modèles
L'empire byzantin, déjà malmené sur le plan territorial par les conquêtes successives de musulmans. Au VIIIe siècle, l'ordre religieux est bousculé par des empereurs successifs, dont Léon III qui défend une vision iconoclaste, c'est-à-dire qu'il cherche à s'éloigner des symboles de la divinité. Plus tard, au XVe siècle, la prise de Constantinople (1453) sonnera comme la fin de l'empire byzantin, et le triomphe de la religion musulmane sur le territoire. L'ordre musulman, bien que plus répandu territorialement comme tu l'as compris, subit aussi des concurrences et des oppositions. Les courants de pensée (dont le sunnisme et le chiisme) se multiplient, et les différents Etats musulmans tentent de trouver en leur sein de nouvelles formes d'autorité. Si la religion est toujours présente, le pouvoir des sultans, ou des émirs, apparaît comme une remise en cause profonde du califat.