Sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre

​​Le plus important en quelques mots

Dans cette leçon, tu vas découvrir le quotidien des civils pendant la Première Guerre mondiale. En effet, cette guerre totale affecte directement toutes les populations des différents pays belligérants : les militaires sur le front, les femmes et les enfants à l'arrière, les indigènes des colonies. Tous partagent l'effort de guerre, subissent la propagande et le rationnement.

La propagande et l'effort de guerre

​​Un engagement idéologique

Les civils représentent 80 % de la population totale des pays en guerre. Dès 1914, ils sont soumis à une intense propagande. L’État réintroduit des pratiques dont il avait fait usage pendant la guerre franco-prussienne en 1870. Ainsi, il diffuse un fort sentiment patriotique et une culture de guerre. Dans ce cadre, la presse est particulièrement impliquée. Elle devient le relais d'information officiel, mais elle détourne également la censure. Cette période voit la naissance de journaux satiriques comme Le canard enchaîné que tu as déjà dû croiser sur les étales des kiosques à journaux.

Une mobilisation des consciences

L'effort de guerre concerne aussi les consciences. Tu te demandes sûrement ce que cela signifie. Et bien dans chaque domaine, tout doit être organisé en fonction de la guerre. Ainsi, plusieurs scientifiques comme Marie Curie consacrent leurs nouvelles recherches à l'intérêt de leur pays. Les travaux de Marie Curie lui permettent de développer des techniques de radiographies utilisées sur le front. En outre, elle forme des infirmières spécialisées dans l'utilisation de cet appareil à rayon X qui bénéficiera à plus d'un million de soldats blessés.

Portrait de Marie Curie

L'engagement de tous : femmes, enfants, indigènes et artistes

​​La place des femmes dans la Première Guerre mondiale

Les femmes sont à la fois employées comme main-d’œuvre pour remplacer les hommes partis au front, et servent également de réponse aux besoins de l'industrie dans les domaines de la métallurgie, de la chimie ou militaire. Dans ces secteurs, la part de main d’œuvre-ouvrière augmente de 20 % environ. Les femmes sont nombreuses à travailler dans les usines de munitions (on surnomme ces femmes les "munitionnettes"). Parallèlement, les femmes s'engagent comme infirmières. Les états favorisent la professionnalisation du métier qui était alors principalement réservé aux religieuses. 

Le travail domestique est valorisé, puisqu'il est indispensable à la stabilité des familles et au calme social. Certains gouvernements versent des allocations journalières aux "femmes de mobilisés".

Femmes travaillant dans les usines d'armement

Les enfants dans la guerre

Les enfants participent également aux travaux domestiques et agricoles. Au travers de l'école, de leurs jeux, jouets ou de la littérature qui leur est destinée, les enfants sont la cible d'une intense propagande patriotique. Parallèlement, des associations de parrainages s'organisent pour aider les orphelins. L'engagement des bénévoles est grandissant dans ces institutions (aux États-Unis, la Croix-Rouge comprenait 500.000 adhérents en 1914, elle en compte 17 millions après la Première Guerre mondiale).

Les civils des colonies et des pays alliés

L’État brasse aussi loin que possible pour parvenir à rassembler une main-d’œuvre conséquente. Ainsi, les civils des colonies ou des pays alliés sont réquisitionnés pour remplacer les hommes partis au front. Ils contribuent de fait à la mobilisation économique.

L'expression artistique et intellectuelle

Ces dernières ont un rôle important vis-à-vis de la mobilisation en ce qu'elles dénoncent les atrocités des combats (c'est le cas de l'auteur Romain Rolland qui prône le pacifisme), ou qu'elles le soutiennent (plusieurs intellectuels allemands signent le Manifeste des 93 en octobre 1914). Parallèlement, certains artistes montrent leur désarroi face au conflit, à l'instar du peintre Otto Dix.

Déplacement de population et violence de masse

​​Évacuations, exodes et déportations

La population déplacée pendant la Première Guerre mondiale est particulièrement conséquente. Des civils sont évacués à l'approche des troupes ennemies, dans certains cas, il s'agit d'un véritable exode. D'autres sont déportés, envoyés dans des camps de travail, ou au front pour enterrer les morts et rénover les tranchées. En 1916, la déportation de jeunes femmes dans des camps mixtes où elles subirent des examens gynécologiques choqua l'opinion publique.

Simultanément, des associations philanthropiques s'organisent pour prendre en charge les réfugiés et donnent naissance à la notion d'aide humanitaire.

La violence de guerre

Les populations souffrent de nombreux maux. Elles sont régulièrement prises pour cible par les bombardements, doivent faire face au rationnement, au couvre-feu, au contrôle de leurs déplacements et à la perte de leurs proches. Trois millions de personnes sont endeuillées par la perte d'un proche. En réponse, à partir de 1917, des émeutes et des grèves croissent à l'arrière, tandis que les mutineries augmentent sur le front.

Entre août et octobre 1914, les troupes allemandes massacrent, violent et exécutent sommairement les civils des territoires qu'ils envahissent, semant ainsi la terreur parmi la population. Pourtant, des conventions internationales protègent les civils. Or, bien trop souvent, les belligérants n'en tiennent pas compte.

Le génocide arménien

Une des illustrations les plus significatives de cette violence de masse est le génocide perpétré contre les Arméniens. Ce dernier fera 1,5 million de victimes. En 1914, le parti nationaliste des Jeunes Turcs à la tête du pouvoir dans l'Empire ottoman décide d'éradiquer les minorités non turques parmi lesquelles se trouvent les Arméniens. Ils sont considérés comme des "tumeurs internes". Dès janvier 1915, les autorités ottomanes organisent des massacres, des viols, des déportations. Les survivants, regroupés dans des camps en Syrie, finissent massacrés. Or des massacres d'Arméniens avaient déjà eu lieu à la fin du XIXᵉ siècle, entre 1894 et 1896. Le développement des nationalismes dans l'Empire ottoman à compter du début du XXᵉ siècle marginalise davantage encore cette population.

Carte du génocide arménien 

À retenir

Dates

1914 : début de la Première Guerre mondiale.

Octobre 1914 : signature du Manifeste des 93

1916 : la déportation de jeunes femmes dans des camps mixtes
1917 : émeutes et grèves à l'arrière, mutineries sur le front.
Entre aout et octobre 1914 : massacres de population par les troupes allemandes.
Entre 1894 et 1896 : premiers massacres de populations arméniennes dans l'Empire ottoman.

Janvier 1915 : début du génocide des Arméniens.

Définitions

Effort de guerre : mobilisation de l'industrie et de l'ensemble de la société pour soutenir la politique militaire de l’État.

Culture de guerre : ensemble de mentalités et de pratiques fondées sur la violence, le militarisme et la haine de l'ennemi.

Emprunt national : argent prêté à l’État par des particuliers pour financer la guerre et la reconstruction.

Munitionnette : ouvrière travaillant dans les usines de munitions.

Pacifisme : doctrine prônant la non-violence et la recherche de la paix.

Génocide : extermination programmée et systématique d'une population pour des raisons ethniques, politiques ou religieuses.

Émeutes : soulèvements populaires violents.

Révolution : mouvement social et politique conduisant à un changement de régime.

Exode : fuite massive de la population.

Philanthropie : action désintéressée, motivée par le souci d'aider les autres.

Personnage

Marie Curie (1867-1934) : physicienne polonaise naturalisée française, elle travaille avec son mari Pierre Curie sur les radiations. Elle obtient le prix Nobel de physique en 1903. En 1911, elle obtient le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur le polonium et le radium.