Usages sociaux et politiques du patrimoine
Le plus important en quelques mots
Le patrimoine désigne initialement un bien, matériel et privé, qui se transmet entre les générations. Lorsque les parents lèguent leur maison à leurs enfants en héritage, c'est une transmission de patrimoine. Mais la notion de patrimoine s'est étendue pour désigner aujourd'hui des biens ou même des savoirs qui ont une certaine valeur symbolique pour les peuples. Dans ce résumé, tu vas donc aller à la rencontre de ces différents patrimoines, au pluriel !
Le patrimoine, une notion qui s'élargit
La notion de patrimoine s'enrichit, mais cet enrichissement est inscrit dans les textes, dans la loi.
Du bien privé au bien commun
Transmettre son patrimoine, c'est donc léguer ses biens. Une personne qui possède plusieurs maisons, plusieurs appartements, a donc beaucoup de patrimoines. Il s'agit donc d'une vision très individuelle du patrimoine. Pourtant, un manoir, un château, ayant pu appartenir autrefois à des familles, à des rois, sont aujourd'hui désignés comme du patrimoine collectif, qui peut être visité, valorisé.
Exemple
Le château de Versailles est à la base un projet royal, de Louis XIV. Mais aujourd'hui, le château de Versailles appartient à l'État français. Depuis 1979, le château est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Le patrimoine peut donc désigner aujourd'hui tout ce qui fait la richesse culturelle d'un pays, d'une région... Cela n'efface pas, évidemment, l'ancienne définition, mais la "patrimonialisation", c'est-à-dire le fait de désigner un patrimoine comme un bien commun, un bien collectif, témoigne de l'élargissement de la définition.
Quels patrimoines ?
Dans cette nouvelle définition peut donc rentrer différents types de patrimoines. Les monuments, les bâtiments (l'architecture), font partie du patrimoine. Mais tu peux y ajouter également des éléments naturels : des forêts, des montagnes, des côtes maritimes...
Exemple
Le site "Pyrénées-Mont Perdu", intégrant notamment le cirque de Gavarnie dans les Pyrénées-Orientales, est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1997.
Enfin, il est possible de retrouver du patrimoine immatériel : dans ce cas, il s'agit d'un savoir-faire qui peut constituer le patrimoine. En 2022, la baguette est inscrite au patrimoine immatériel de l'UNESCO. Ici, d'est une habitude française qui est mise en avant : fabriquer du pain, l'acheter, le manger !
Une notion juridique
Tu entends donc parler du patrimoine mondial de l'UNESCO. La notion est issue d'une convention de 1972 émanant d'une branche de l'ONU consacrée à l'éducation, la science et la culture. L'UNESCO est donc une institution de l'Organisation des Nations Unies. La notion de patrimoine de l'UNESCO, qui vise à classer les sites patrimoniaux et les savoir-faire, permet de protéger ce patrimoine et de le valoriser. Le fait d'être classé donne un certain nombre d'obligations à respecter pour ne pas dénaturer le patrimoine. Il ne serait pas possible de retapisser le château de Versailles, par exemple !
Jalon 1 : Réaménager la mémoire, les usages de Versailles de l'Empire à nos jours
L'Histoire de Versailles ne se résume pas à la monarchie absolue de Louis XIV et à la royauté. Versailles est un lieu de vie politique.
Versailles, un lieu historique de l'époque moderne
L'Histoire du château de Versailles aurait pu s'arrêter avec la monarchie. Pourtant, Versailles est le reflet de la toute-puissance française, avec une infrastructure héritée du Roi-Soleil, Louis XIV. C'est donc un lieu qui revient au premier plan des grands moments historiques. Lorsque Napoléon III perd la bataille de Sedan en 1871, et donc que la France perd les territoires de l'Est au profit d'un empire allemand reconstruit, ce même empire allemand est proclamé dans la galerie des Glaces à Versailles, où la France reconnaît sa défaite. Le choix du lieu est donc une humiliation pour la France et le Second Empire. Après la Seconde Guerre mondiale, le traité de Versailles du 28 juin 1919 marque la fin définitive du premier conflit mondial en attribuant la responsabilité de la Grande Guerre à l'Allemagne, qui doit payer des réparations.
Versailles, un lieu de vie politique française contemporaine
Le côté majestueux de Versailles en fait également un lieu privilégié pour les visites d'État. Recevoir un président ou un chef d'État à Versailles, c'est montrer comment la diplomatie s'inscrit dans un certain luxe. C'est notamment à Versailles que Charles de Gaulle reçoit le président Nixon en 1969. En 2023, une visite d'État prévue par le roi d'Angleterre Charles III devait le mener jusqu'à Versailles pour un dîner de gala (la visite est annulée en raison des mouvements sociaux en France).
Au-delà de l'aspect protocolaire et diplomatique, le château de Versailles est également le lieu de réunion du congrès. Le congrès, c'est la réunion des deux chambres : le Sénat et l'Assemblée nationale. Tous les parlementaires sont donc réunis, sur une initiative du président de la République, pour présenter notamment de grandes mesures, ou pour faire adopter une modification de la constitution. En 2015, François Hollande convoque le congrès à Versailles, quelques jours après les attentats de Paris, pour présenter ses mesures de lutte contre le terrorisme.
Versailles, un lieu de tourisme mondial
Enfin, Versailles est également un lieu visité ! En 2022, le château a accueilli 6,9 millions de visiteurs, dont 77 % d'étrangers. Versailles n'est donc pas simplement un lieu de vie à la française, il est bien un patrimoine reconnu à l'international. Sa notoriété lui a également été conférée par des films et séries qui ont utilisé le château de Versailles comme décor. La galerie des glaces, comportant de nombreux tableaux, ou encore les jardins (imaginés à l'époque par André le Nôtre), attirent des visiteurs internationaux.
Ces visites permettent de financer l'entretien de ce patrimoine, mais la préservation du site passe également par des mécènes : des entreprises ou de grandes fortunes qui donnent de l'argent pour continuer de préserver et de faire connaître le château de Versailles à travers le monde.
Jalon 2 : Conflits de patrimoine, les frises du Parthénon depuis le XIXᵉ siècle
Le Parthénon est un temple qui trône sur l'acropole, au sommet d'Athènes. Monument historique datant de l'Antiquité, les frises Panathénées, frises en marbre, sont aujourd'hui conservées à Londres...
Un patrimoine pillé ?
Au début du XIXᵉ siècle, la Grèce est sous domination ottomane. L'empire ottoman, allié avec la Grande-Bretagne, accepte de leur livrer plus de la moitié de la frise du Parthénon. Celle-ci représente les festivités appelées "Panathénées", des fêtes organisées en l'honneur de la déesse Athéna. Dès 1830, alors que la Grèce tente de conquérir son indépendance face à l'empire ottoman, la question de la restitution de ces frises arrive au premier plan. Les Grecs dénoncent un "pillage" de leur patrimoine.
Un patrimoine mieux conservé ?
Le débat est devenu contemporain. Aujourd'hui, les frises du Parthénon sont conservées au British Museum de Londres. Le musée, tout comme l'Angleterre, refuse formellement la restitution de l'œuvre. Pour cela, l'argument de la préservation est avancé : le travail des conservateurs de musée, et la mise en scène de la frise au sein du musée met en avant la culture grecque et l'héritage antique. On peut également supposer, naturellement, que cette pièce est une œuvre majeure du British Museum, une pièce maîtresse du musée londonien, dont il ne voudrait pas (plus) se priver.
Néanmoins, depuis 2009, l'ouverture d'un nouveau musée à l'Acropole d'Athènes permettrait de mettre en avant cette frise encore davantage : dans ce musée grec, la frise est bien visible, mais il s'agit d'une reproduction, sur les morceaux qui sont toujours au Royaume-Uni. Quelques pièces seulement ont été restituées à la Grèce, notamment des morceaux offerts au Vatican au XVIIIᵉ siècle, et rendus seulement en 2008.
La restitution, un débat politique contemporain
La question de la restitution des œuvres ne porte pas seulement sur le Parthénon d'Athènes. Aujourd'hui, le débat s'installe notamment autour des biens qui ont été pillés pendant la colonisation des puissances européennes en Afrique. En 2021, le Bénin obtient de la France la restitution de 26 œuvres importées en France pendant la colonisation, à la fin du XIXᵉ siècle. En 2022, un "tambour parleur" ivoirien, œuvre sacrée de la culture locale et importé en France en 1916, quitte finalement le musée du quai Branly pour faire son retour à Abidjan. Néanmoins, tous les musées (et les États) ne sont pas près à se passer d'œuvres qui constituent l'essentiel de leurs collections, et qui font rayonner leur musée à travers le monde. On peut parler d'une réelle diplomatie autour du patrimoine.