Le défi de la construction de la paix
Le plus important en quelques mots
La paix se construit par étapes, par négociations. Si les traités sont un outil régulièrement utilisé, ils ne sont pas systématiques pour autant, car ils imposent un accord ferme de la part des belligérants. Dans les conflits modernes qui se veulent de plus en plus asymétriques, la construction de la paix est encore plus complexe à analyser.
Jalon 1 : Faire la paix par les traités, les traités de Westphalie (1648)
La Westphalie est une région historique de l'ouest de l'Allemagne. En 1648, les villes de Münster et d'Osnabrück accueillent des conférences de paix, totalement nouvelles pour l'époque.
Le XVIIe siècle, un climat de tensions multiples en Europe
L'Europe est secouée aux XVIe et XVIIe siècle tant par la volonté de plusieurs monarchies d'étendre leur territoire et de faire briller leurs couleurs, que par la question religieuse, avec un protestantisme en fort expansion face au catholicisme officiel. Deux guerres vont se superposer sur le sol européen :
- La guerre de Quatre-Vingts ans (1568-1648) oppose l'Espagne et les Provinces-Unies (territoires des Pays-Bas actuels). Déjà dans une logique d'expansion coloniale à travers les mers, l'Espagne vise aussi le nord de l'Europe, multipliant notamment ses accès à la mer.
- La guerre de Trente Ans (1618-1648) oppose initialement le Saint-Empire romain germanique à certains États allemands protestants. D'une guerre de religion, le conflit s'élargit. La France, catholique, vient en soutien des États protestants allemands en tentant de déstabiliser l'Allemagne et de récupérer des territoires à l'Est du pays.
Des négociations complexes
Alors que les pertes humaines, et notamment chez les civils, sont nombreuses, il faut trouver un moyen pour sortir de la guerre. Les villes de Westphalie accueillent des conférences européennes qui font durer les négociations pendant cinq ans. Les nations envoient des représentants, des ambassadeurs, mais la négociation avance à la vitesse des moyens de communication de l'époque. Les décisions doivent être approuvées par les États, il faut donc imaginer des échanges de courriers ou de messagers entre la Westphalie et les monarques sur leur territoire. La maîtrise de la langue est également un frein : si le latin est massivement utilisé, de nombreux ambassadeurs ne maîtrisent en réalité que leur langue.
Une paix à communiquer
En 1648 sont signés une série de traités qui mettent fin aux différents conflits européens : la paix de Münster (réglant la question espagnole avec les provinces unies), le Traité de Münster (entre le Saint-Empire Romain Germanique et la France), et le traité d'Osnabrück (réglant les conflits au Nord de l'Europe, notamment entre l'Allemagne et la Suède). Mais après la signature, il faut véhiculer le message ! Là aussi, le travail est long car les combats font rage. Il faut envoyer des messagers indiquant que la guerre est finie. Les territoires occupés continuent de se révolter contre les soldats en place. Les armées doivent organiser le retour de leur troupe (le "licenciement" de l'armée). Pour marquer la paix, des moments festifs sont organisés, notamment dans les territoires libérés, reconquis.
Jalon 2 : Faire la paix par la sécurité collective, les actions de l'ONU sous le mandat de Kofi Annan (1997-2006)
L'Organisation des Nations Unies (ONU) voit le jour après la Seconde Guerre mondiale. Son objectif est de préserver la paix dans le monde, et d'étendre le modèle démocratique. Les Casques bleus, armée au service de l'ONU, sont parfois mandatés dans des territoires du globe pour maintenir la paix ou protéger les populations civiles.
Une augmentation des actions de l'ONU depuis la fin de la guerre froide
Les Etats-Unis et l'URSS (maintenant devenue la Russie) disposant d'un siège permanent au conseil de sécurité de l'ONU, l'organe de défense, l'institution fut quelque peu bloquée et inactive devant la rivalité de ces deux grandes puissances. Les interventions se multiplient en revanche dans les années 1990, puis principalement sous le mandat de secrétaire général de Kofi Annan, diplomate originaire du Ghana.
L'intervention territoriale de l'ONU est multiple :
- A la fin d'un conflit, vérifier l'application des traités de paix, accompagner le désarmement des pays belligérants
- Pendant un conflit, intervenir militairement pour protéger les populations civiles, assurer le respect des droits humains
- Accompagner la transition politique par l'organisation d'élections, de référendums
Entre 1997 et 2006, l'ONU intervient dans des conflits internes comme en Sierra Leone, ou dans des conflits interétatiques entre l'Éthiopie et l'Érythrée, pour faire respecter les traités de paix sur les frontières de ces deux pays.
Aujourd'hui, 100 000 personnes composent l'armée des casques bleus.
L'ONU, une institution parfois dépassée ?
L'échec du mandat de Kofi Annan à la tête de l'ONU réside certainement dans l'invasion américaine en Irak, en 2003. Intervenant d'abord en Afghanistan à la suite des attentats du 11 septembre 2001, avec l'accord de l'ONU, les USA prennent leur distance avec le multilatéralisme, en intervenant seuls en Irak. Ils n'ont effectivement pas réussi à convaincre le conseil de sécurité de l'ONU. Les USA accusent l'Irak de détenir des armes de destruction massive qui puissent être mises au service du terrorisme : rien n'a pu prouver cette affirmation depuis. L'incapacité de l'ONU à répondre à l'invasion américaine en Irak montre la limite de cette diplomatie.
Par ailleurs, l'action de l'ONU n'est pas toujours couronnée de succès. La région du Cachemire, disputée par l'Inde et le Pakistan, nécessite une surveillance accrue de l'ONU depuis 1947, sans résolution à ce jour. L'intervention des casques bleus au Congo depuis 1991 ne suffit pas à installer une stabilité politique. Les droits humains sont toujours aussi peu respectés par des dirigeants autoritaires successifs, dans un pays qui s'enfonce dans la crise humanitaire.
La Russie de Vladimir Poutine, un pied-de-nez à l'ONU ?
La Russie a donc un droit de vote permanent au conseil de sécurité de l'ONU, et dispose d'un droit de veto (elle peut bloquer un projet d'intervention). Ce pouvoir russe dans le conseil de sécurité rend l'institution presque caduque dans les conflits qui intègrent la Russie aujourd'hui, annexant la Crimée en 2014, puis le Dombass en 2022, deux régions ukrainiennes. Si les pays de l'ONU condamnent la guerre menée par la Russie, elle n'a pas d'autres moyens d'intervenir dans la résolution du conflit.