La dimension politique de la guerre, des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux

Le plus important en quelques mots

La guerre peut prendre différentes formes, et surtout provient de différentes sources. Des guerres interétatiques aux guerres civiles, des guerres régulières aux conflits asymétriques, les guerres sont multiples et touchent autant les soldats que les populations civiles. Dans cette leçon, tu vas tenter de comprendre quelles sont ces formes de conflits, et comment on peut tenter de les résoudre.

Formes de conflits et tentatives de paix dans le monde actuel

Même si l'on en parle peu (ou si l'on ne parle que de certaines d'entre elles), les guerres sont encore nombreuses sur la planète.

La guerre au XXIe siècle

Panorama des conflits armés actuels

On peut estimer à une vingtaine le nombre de pays qui sont effectivement en État de guerre. Le plus souvent, cette guerre oppose deux États, on parle alors de conflit interétatique. C'est le cas avec le conflit opposant l'Ukraine et la Russie à partir de 2022. C'est le cas également de nombreux conflits au Moyen-Orient, entre Israël et la Syrie, ou encore entre Israël et la Cisjordanie. Ces conflits entre États relèvent souvent d'une question territoriale : on cherche à agrandir son territoire, ou à récupérer administrativement des terres qu'un pays considère dans les faits comme les siennes.

Exemple

Dans le cas du conflit ukrainien, la Russie avance l'argument (contestable !) que la région du Dombass possède un fort sentiment nationaliste russe. Cette région devrait donc de facto être rattachée à la Russie.

Pour autant, les guerres civiles sont également nombreuses : elles opposent des groupes qui peuvent avoir une conception différente de l'État et de la société qu'ils souhaitent implanter dans leur pays. En Afghanistan, la guerre civile aboutit à la prise de pouvoir des Talibans en août 2021, revenant ainsi sur les droits précieux conquis les années précédentes, notamment en termes de condition de la femme.

Natures des conflits, acteurs et modes de résolution 

Les conflits opposant deux armées régulières peuvent être résolus de façon multilatérale. Cela signifie que les autres pays vont intervenir dans la gestion du conflit. Cela se fait par l'intermédiaire de l'ONU, dont le rôle est d'assurer le maintien des droits de l'homme et de limiter le nombre de conflits armés. L'ONU dispose d'ailleurs de sa propre armée, les Casques bleus, pour intervenir également sur le terrain. 

Néanmoins, la force de négociation qui peut être imposée par l'ONU est mise à défaut par les nouveaux types de conflits. D'abord, dans leur forme politique, les guerres civiles sont difficiles à résoudre de l'extérieur, car elles mettent en jeu un historique et des influences qui sont proprement internes au pays. On remarque d'ailleurs dans le cas de la décolonisation ou dans le cas de l'intervention américaine en Afghanistan, que l'intervention d'une puissance étrangère dans un pays se solde souvent par un vide encore plus insoutenable une fois cette puissance retirée. 

Exemple

Le retour des Talibans en Afghanistan juste après le retrait des États-Unis illustre bien ce phénomène.

Par ailleurs, on observe aujourd'hui des conflits asymétriques : ils n'opposent pas deux armées, mais mettent en jeu des stratégies terroristes qui rendent plus difficiles la gestion du conflit. Le terrorisme vise autant l'armée adverse que les populations civiles. Ces groupes agissent dans le plus grand secret, et il est plus difficile de les identifier.

Exemple

L'intervention française au Mali de 2014 à 2022 n'aura pas réellement permis de démanteler les réseaux terroristes sur place.

Jalon 1 : La guerre "continuation de la politique par d'autres moyens" (Clausewitz)

Carl Von Clausewitz est un officier prussien qui combat contre les troupes napoléoniennes au début du XIXe siècle. Il tente de théoriser les objectifs de la guerre.

De la guerre réelle à la guerre absolue

Carl Von Clausewitz essaie d'expliquer, dans son livre De la Guerre publié après sa mort, ce qui pousse un Etat à entrer en guerre. Pour lui, la guerre vient de la poursuite d'intérêts politiques : il s'agit d'imposer son modèle de pensée, son modèle politique, à d'autres territoires. Il s'agit également de défendre des intérêts qui participent à la puissance politique. En ce sens, la défense d'intérêts commerciaux (notamment à travers la colonisation à partir du XVIIIe siècle) devient un argument politique qui pousse au conflit.

Clausewitz différencie néanmoins la guerre réelle de la guerre absolue. La guerre réelle, c'est celle qui vise à atteindre ces objectifs politiques. La guerre absolue, c'est celle qui vise à détruire totalement l'ennemi. La guerre réelle n'est donc pas forcément supposée se transformer en guerre absolue. Au XXe siècle, le modèle de Clausewitz pourrait être appliqué aux deux guerres mondiales, qui se sont transformées en guerre d'anéantissement, un anéantissement dépassant largement les intérêts politiques ayant conduit à la guerre.

La guerre de sept ans, une explication politique

Clausewitz prend la guerre de sept ans comme un exemple concret de la poursuite des intérêts politiques. Ce conflit, qui s'étend de 1756 à 1763, peut être considéré comme l'un des premiers conflits mondiaux, car des combats se déroulent en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et en Inde. Au coeur des préoccupations, la possession de terres nouvelles opposant les grands colonisateurs. La Grande-Bretagne et la France sont les nations clés de cette guerre, mais mobilisent tout un réseau d'alliés. Avec des États encore principalement monarchiques, la volonté d'étendre le royaume est un argument pour mener la guerre. En 1759, Québec est repris à la France par les Britanniques. En Europe centrale, la Prusse et la Russie se disputent la région de la Silésie.

Les conquêtes napoléoniennes ou l'export d'un modèle politique

Clausewitz a été au premier rang de la toute-puissance de l'empire français. En tant que prussien, il subit l'invasion de l'armée française, et tire deux grandes analyses des conquêtes napoléoniennes jusqu'en 1814. D'abord, Napoléon est parvenu à mobiliser une armée monumentale (650 000 hommes) vouée à défendre les idéaux de la Révolution française et la rupture avec la monarchie. En ce sens, les guerres de conquête de Napoléon visent à véhiculer un modèle politique. Mais par ailleurs, Clausewitz illustre l'échec de Napoléon (sa défaite de Waterloo notamment) dans justement la trop forte volonté d'imposer des idées à des peuples qui n'y sont pas près. Selon lui, c'est parce que les États conquis n'acceptent pas la domination française que les pays européens s'allient pour retourner la situation et renverser l'empire de Napoléon. La conquête sous sa forme politique doit donc se limiter, au risque d'être vouée à l'échec.

Jalon 2 : Le modèle de Clausewitz à l'épreuve des "guerres irrégulières", d'Al-Qaïda à Daech

Les groupes terroristes constituent une force dite "irrégulière" : il ne s'agit pas d'une armée à proprement parlée, qui serait rattachée à un État. A l'inverse, il s'agit de groupes pouvant être organisés à l'échelle internationale, et frapper n'importe où.

Les groupes terroristes, une cible difficilement identifiable ?

Les attentats du 11 septembre 2001, frappant les États-Unis et choquant le monde entier, témoigne d'une nouvelle forme de conflit. Un État aussi puissant que les USA peut être ciblé, sa population civile peut être attaquée, par une force terroriste, Al-Qaïda, qui n'est pas directement assimilable à un État. C'est ce qui a posé problème dans la lutte contre le terrorisme engagée par le président Georges Bush. En intervenant en Afghanistan avec l'accord de l'ONU, puis en Irak de façon unilatérale, les États-Unis visent des territoires et accusent surtout certains États de financer ou de protéger les groupes terroristes. Lutter contre le terrorisme, c'est donc malgré tout attaquer un État et une population. Au Pakistan, après la mort de Ben Laden, abattu par les forces américaines, de nombreux citoyens se dressent en soutien d'un homme qu'ils considèrent comme un guide du mouvement islamique.

Le terrorisme, une action pour des idées

Si Clausewitz n'avait pas forcément imaginé une forme de conflit irrégulière, l'action terroriste se rapproche néanmoins de l'enjeu politique. Pour ces groupes, il s'agit de s'opposer au mode de vie à l'occidental, à un modèle de liberté qui s'affranchit de toute influence religieuse. Pour Al-Qaïda, puis pour Daech dans les années 2010, il s'agit de faire régner la terreur sur ceux qui ne partagent par leur modèle culturel. Daech naît d'une branche dissidente d'Al-Qaïda, et vise à réinstaurer un califat en Irak et en Syrie. Ce califat est amené à s'étendre avec la croissance du réseau de Daech.

Daech, la tentative de construction d'un État Islamique

Daech cherche donc à construire un réseau d'acteurs à travers le monde, mais cherche aussi un ancrage territorial, justement en Irak et en Syrie. Daech signifie d'ailleurs "État islamique". Il ne s'agit donc plus de dresser des frontières administratives entre les pays, mais de recréer un État totalement voué au califat et à l'exercice d'une culture et d'une pratique religieuse arbitrée par le djihadisme. En 2014, on estime que l'armée de Daech est fournie par des combattants venant de 80 pays. En 2019, l'armée démocratique Syrienne, soutenue par les armées occidentales, parvient à renverser le califat. Mais la fuite des combattants de Daech dans de multiples pays, brouille encore davantage les frontières d'un conflit qui pourrait ne pas être terminé.